THEATRE LOUIS RICHARD
Direction : Alain GUILLEMIN
26 rue du Château, 59100 ROUBAIX
Tél.: 03 20 73 10 10, Fax : 03 20 73 77 60
Site internet : http://www.theatre-louis-richard.com
PROJET
DE CRÉATION
à l'occasion de la commémoration de la naissance de George Sand
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Extrait de La Voix du Nord du 5 août 2003
[…] Andrée Leroux et Alain Guillemin ont remonté le temps, aidés pour l'écriture par Blaise Charlet. Pour recréer l'atmosphère […], chaque détail a été minutieusement respecté : les extraits du texte, les décors comme la reproduction du Castelet, les costumes identiques finement confectionnés, les personnages célèbres et nombreux sculptés, dont trente marionnettes représentatives de toutes les catégories sociales. Sept représentent entre autres Flaubert, Delacroix ou Chopin. Ce spectacle aura pour but de redonner sa véritable place à George Sand au milieu des grandes caricatures animées : écrivains, peintres, musiciens qui l'entourèrent recréent l'ambiance des salons et font revivre les débats de l'époque. Rendez-vous en janvier pour cette fresque au Théâtre Louis Richard qui fait de la marionnette un art noble et beau.
Isabelle Dumoulin (CLP)
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En 1887 George Sand est morte il y a plus de 10 ans, Maurice Sand est toujours profondément éprouvé par cette disparition. En 1886, il a créé, à Paris, Balandard aux Enfers. La pièce publiée est un texte, figé, mort, comme une marionnette inanimée est un objet sans vie. Le marionnettiste, marionnette en mains, masqué par le castelet va vivre. Comme Christian Waldo, héros du roman de George Sand Lhomme de neige, le marionnettiste masqué est en quête de lui-même, du sens de sa vie et ses burattini, ses marionnettes à gaine, viennent éclairer, projeter des manifestations profondes de son esprit. George Sand, à la veille de sa mort, en décrivant Le théâtre des marionnettes de Nohant a donné de Maurice une image bien différente de celle du dilettante quon lui a généralement attribuée. Marionnettiste, à la fois artisan méticuleux, inventif, travailleur, bricoleur de génie qui monte une lanterne magique sur un tournebroche pour faire se mouvoir les astres, Maurice Sand est aussi de ceux qui font de la marionnette un art majeur. Sa démarche nest pas celle dun artisan ni même dun démiurge, dun Gepetto régnant seul sur son petit monde. Des peintres, des auteurs, un menuisier, pour un temps Chopin au piano ont accompagné la vie de ce théâtre, même si George Sand reste au centre, taillant les costumes des marionnettes avec une conscience darchéologue sur la base de recherches de bénédictin. Les mots, ici ceux dAdolphe Badin (revue Art) sonnent curieusement... Les burattini et leur place dans luvre de George Sand éclairent de façon inattendue, parfois paradoxale, la vie, le travail, les relations entre la mère et le fils. Marionnettes en mains, Maurice Sand va présenter à des amis, des artistes, des journalistes, Balandard aux Enfers. Ils vont assister à une répétition, à une quête et Maurice deviendra, en jeu, Balandard parfois, Christian Waldo et bien dautres encore, tandis que George Sand restera totalement présente... tant son absence pèse sur ce qui se joue ! Un comédien-marionnettiste joue le rôle de Maurice Sand. De grands personnages de mousse et latex dialoguent avec lui. Au centre dun théâtre de tous les possibles, dans la réplique du castelet de Nohant avec des copies des marionnettes de Maurice Sand sexprime avec verve dans le jeu et avec un grand sens de la répartie satirique un théâtre toujours possible. Alain
GUILLEMIN
En
écrivant à la fin de sa vie Le théâtre
des marionnettes de Nohant, George Sand met en lumière
le fil conducteur qui donne sa cohérence à laction
de son fils, Maurice Sand. On connaît sa réputation,
dilettante, touche à tout. Il touche à la gravure, au
dessin, à la peinture... A quarante ans, il devient auteur
(Masques et bouffons) avant décrire pour le théâtre
et aussi de produire nouvelles et romans. Lété,
à Nohant, est consacré aux sciences, botanique, géologie,
entomologie. On notera parmi ses publications en la matière
un Catalogue raisonné des lépidoptères du
Berry et de lAuvergne. Laissons de côté les perfectionnements apportés à Nohant aux éclairages, aux machineries, tout cela est décrit avec la plus grande précision par George Sand (Le théâtre des marionnettes de Nohant), remarquons seulement quelques éléments très significatifs.
De 1847 à sa mort, Maurice Sand restera fidèle aux marionnettes. En cela il ne rejoint pas Christian Waldo, le héros de Lhomme de neige, pour lequel les marionnettes sont les instruments de la destinée selon lexpression de George Sand... mais qui les quitte lorsque le problème de sa vie sest dénoué. Pour Maurice, la marionnette nest pas une étape de son apprentissage. Christian Waldo déclare Nous allions (mon associé et moi) quitter le métier de bouffon et je me flattais davoir de quoi attendre un état plus sérieux (Lhomme de neige). Maurice Sand, toute sa vie, travaillera avec le plus grand sérieux et sera, semble-t-il, satisfait de voir des gens sérieux porter sur ces marionnettes, réputées futiles et faciles, des jugements enthousiastes. Pourtant lorsque des critiques affirment que le castelet de Nohant rendrait jaloux les directeurs des plus grands opéras, le compliment est à la fois sincère et ironique. Lart de la marionnette a aussi ses dilettantes. Le dilettantisme est souvent favorisé par lémerveillement naïf du spectateur, enfant ou adulte. Maurice Sand est peut-être un touche à tout... mais il met tout au service de la marionnette. Il est dans cet art, un bricoleur de génie, un auteur véritable si lon veut bien lire ses pièces pour marionnettes comme des canevas capables de porter le jeu, limage en mouvement, limprovisation et la parole vive. Maurice nest pas un dilettante dans le domaine de la marionnette, il apparaît même comme un remarquable perfectionniste. Maurice Sand, avec ses talents divers, est avant tout un marionnettiste. Notre propos nest pas de décrire, ici, chaque invention technique, chaque petite découverte mises en oeuvre dans le castelet de Nohant. Notons pourtant que les perfectionnements accompagnent une évolution qui part des quelques personnages classiques de la commedia dell' arte pour aboutir à la constitution dune troupe de 150 personnages. Ici ou là, Maurice Sand estime nécessaire de créer une nouvelle marionnette mieux à même de pouvoir tenir tel ou tel rôle. En vérité, entre les débuts, en 1847, et le moment où les marionnettes de Nohant prendrons leur place véritable, on passe dun jeu qui côtoie celui des montreurs populaires à une forme de jeu littéraire. De ce point de vue, noublions pas que lart de la marionnette est abusivement classé, bien souvent, dans le domaine de la culture populaire. Au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, les marionnettes jouent dans la rue ou dans des salles destaminet mais dans le même temps, les auteurs de théâtre en butte aux privilèges de la Comédie Française sont joués par les théâtres de marionnettes des foires. Il nest pas déraisonnable de se demander si Polichinelle, jouant de beaux textes avec lélégance dune marionnette à fils, est bien le même personnage que ce Polichinelle populaire, marionnette à gaine, jouant au coin des rues dans une langue et une gestuelle bien différentes. Maurice Sand fera le choix de ne représenter que lavant-bras de la marionnette, le bras nétant figuré, dans ses personnages achevés de la dernière période, que par le travail de la couturière. La gestuelle cocasse de la marionnette va laisser place à lélégance et au réalisme. On comprend bien que ces perfectionnements techniques ne sont pas gratuits. Ils accompagnent le passage dun théâtre dont les références sont celles du jeu populaire à une forme de théâtre de salon. Les saltimbanques et les bouffons, les artistes populaires constituent la référence dune époque aux alentours de 1848. Dans Lhomme de neige, Christian Waldo est un saltimbanque pourchassé, proscrit et masqué. La marionnette va lui permettre de révéler ce que lamnésie infantile a enseveli. Il entrera dans la bonne société en abandonnant le masque... et les marionnettes, ces autres masques ! Une situation reconnue, le mariage, la paternité amènent le saltimbanque à abandonner, avec son état, ces objets transitionnels, les marionnettes. La marionnette ne permet pas à Maurice Sand de trouver incognito sa place dans la société. Le castelet nest pas une cachette pour Maurice, contrairement à ce quil est pour Christian Waldo. Il est confortable, rassurant, maternel, il permet dexister, de rassembler du beau monde. Il ouvre des portes, comme la mère en ouvrit à son fils. Entre les projections de Maurice dans tel ou tel personnage, son identification au sort de ce théâtre et la place prise par les marionnettes dans les relations entre les uns et les autres, on comprend bien que le maître jeu régnant sur son castelet construit une vision du monde plus, peut-être, quun petit monde. Laissons alors sonner comme une interrogation la phrase de George Sand, citée par André Maurois "Personne ne sait ce que je dois aux marionnettes de mon fils" (Lélia ou la vie de George Sand).
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BALANDARD AUX ENFERS:
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Dans Lhomme de neige, George Sand décrit avec précision le travail de Christian Waldo se préparant à donner spectacle en adaptant un canevas, résumé de laction, aux conditions et aux circonstances de la représentation du jour, avant que le jeu lui-même vienne achever cette fragile construction littéraire. Le canevas au dialogue serré constitue la base de ce qui sera joué. Les circonstances, les nouvelles du jour, la relation avec le public, la verve du maître du jeu, la manipulation, parfois, vont faire éclore une oeuvre littéraire éphémère quil faudra faire refleurir le lendemain dans dautres circonstances ; George Sand dans Le Théâtre de marionnettes de Nohant sexprime avec la plus grande précision sur le rapport entre lécrit et loralité dans le théâtre de marionnettes, à la lumière de lexpérience de son fils : Dans son castello, le maître du jeu de marionnettes a ses coudées franches. Il est seul responsable. il dit son propre texte et le modifie à chaque instant. Sil joue plusieurs fois la même pièce, il y ajoute des mots plaisants ou énergiques qui lui viennent ou supprime ceux qui nont pas porté aux représentations précédentes. Le propre de limprovisateur est dailleurs de ne pas aimer à se répéter, et sil se soumet au canevas, il éprouve le continuel besoin de changer le dialogue. Cest même le principal attrait de ce genre de spectacle sur lequel lauditeur ne se blase pas. La forme littéraire propre aux marionnettes est donc le canevas écrit avec un dialogue élémentaire très rapide sur lequel le récitant peut broder. Quel est en dehors de la scène leffet de ce travail à la lecture ? Nous avons voulu le savoir et il nous a paru très original. En resserrant davantage laction, le texte nous a été agréable encore. Plus rapide et plus enlevé que celui qui passe par plusieurs bouches, ce dialogue concis qui fait contraste avec les développements de limprovisation, apporte un mérite de plus au talent net et solide de lauteur. Nous avons voulu essayer de donner une idée (en janvier 2003) de ce que le canevas de Balandard aux enfers aurait pu devenir si nous avions joué la pièce à cette date. A ce travail préparatoire serait venu sajouter ce que le jeu lui-même aurait fait naître dans son rapport au public, avec lentrain éventuel de la manipulation ou selon lhumeur du moment. Voila, en caractères gras ce que nous aurions pu greffer, en janvier 2003, sur le canevas de Maurice Sand à trois extraits de Balandard aux enfers : |
Premier
tableau - Scène IV Balandar Allons, je deviens fou ! Il ne manquait plus que ça! La Chimère Nas-tu pas fait tout ce que tu as pu pour le devenir? Tu mas attirée par tes folies. Jaime les gens comme toi qui ne doutent de rien, qui vont de lavant, sans réfléchir, qui se rient du convenu et de la bêtise humaine. Tu mas toujours rendu un culte à ton insu peut-être mais jaime les gens qui sont drôles et spirituels et savent mapprécier. Enfin que veux-tu ? Je suis éprise de ton esprit, de ton organe enchanteur et je suis amoureuse de ton nez. Balandard Oh mon organe enchanteur, la flûte enchantée comme aurait Mozart... Quand à mon esprit.., je suis devenu tellement spirituel que mon cerveau est mon second organe favori ! La Chimère Viens, donne-moi un baiser. Balandard stupéfait Mais, ma chère, vous avez la queue trop longue. La Chimère Ne suis-je pas belle ? Ne suis-je pas ton amie ? Balandard Sans doute, vous êtes jolie, originale. Vous êtes la belle et la bête ! Vous avez du chien, vous avez des yeux terribles, des lèvres à manger tous les coeurs, des cheveux ébouriffés ; jaime ça, les cheveux ébouriffés. Quand les cheveux sont ébouriffés avant, on na pas de remord. Vous avez des formes rebondies que japprécie... La Chimère Je ne
laisse rien tomber et pourtant ça rebondit. Alors du moment
que je te plais, je ne suis point prude et je ferai toutes les avances. Balandard Tu appelles
ça un baiser, toi ? Mais cest un coup de torchon, une lichade
de chien. Attends ! Devine ce que je te fais. La Chimère Assez ! Tu me troubles. Je ne devine pas... tu te prends pour un sphinx. Parlons du poète Anacréon, dont ton ami Porel a besoin pour monter une pièce grecque au théâtre de lOdéon. II ny a quun moyen de trouver cet Anacréon, cest daller le découvrir aux Enfers, où il doit être comme païen dabord et comme poète fort léger ensuite. Monte sur ma croupe et partons pour le pays de la fantaisie. Balandard Sentendre proposer de découvrir la fantaisie en montant sur sa croupe, ça ne se refuse pas !
Troisième
tableau - Scène III
Balandard, à part Cest ça le roi du pays? Il a une sale gueule! Satanas, à Balandard Ah ! Tu es encore là, flâneur! va donc à tes affaires. Balandard Elles
sont là, mes affaires, au diable! Pluton Eh bien ! Caron, le batelier des Enfers est-il enfin arrivé avec son chargement... et son pavillon de complaisance ! Lucifer Oui, Sire, le voici ! Pluton Arrivez donc ! Vous êtes toujours en retard. LAchéron est noir, vous avez encore dégazé. Je vous attends depuis trois jours. Caron Que voulez-vous ? L'Achéron et le Cocyte sont presque à sec et la navigation est difficile, surtout à la rame, avec cette coque pourrie. Pluton Dites donc que vous vous amusez à boire tout le long du fleuve avec les damnés ; mais en voilà assez. Jai fait établir un chemin de fer au-dessus des abîmes. il faut se tenir au courant de son siècle ? Ca rapporte bien davantage, ça nous amène beaucoup plus de monde. Ah la mondialisation ! ça va plus vite, ça ne boit pas, ça nest pas à sec. li est vrai que jai plus de besogne ; mais je ne men plains pas. Et puis ne dit-on pas le diable et son train. Donc je supprime la navigation à la rame et je vous casse de votre emploi, voyou flottant ! Caron Que vas-je devenir, alors ? Faites-moi une position, jai de la famille ! Où est le plan social ? Pluton Vous serez cantonnier sur la voie ferrée métropolitaine. Caron Ah ! Métro, boulot, dodo ! Pluton Allez ! Et ne brutalisez pas les voyageurs. Caron Et ceux que jamène, quen faire? Pluton Quenfer
et damnation ! Quils entrent ! Le droit dasile territorial
leur est accordé sans délai.
Scène
XI
Passons, passons. Est-ce vous, grande folle, qui avez introduit ici laccusé? La Chimère Oui, gros cochon ! Je signe la mise en scène. Minos Et... dans quel but ? La Chimère Une fantaisie... Pour rire un instant et me moquer de Pluton même si ses fonctions le rendent juridiquement inattaquable et il a fait son temps, il ennuie son épouse Proserpine et il me semble aussi nul quinutile. Les démons Oui, la Chimère parle bien ! A bas Pluton, vive la Chimère ! Minos, aux juges Messieurs,
ça sent la révolution, consultons-nous. La Chimère Pluton, au lieu de me recevoir dans ton empire avec les honneurs qui me sont dus, tu menvoies des sales chiens pour mempêcher dentrer, tu me le payeras ! Les démons Vive la Chimère ! Cerbère aboie, la Chimère passe. Pluton, furieux A la chaudière ! cette bête puante, ainsi que son protégé. Ce sont des libres penseurs, des importunistes, des droits de lhommiste. Balandard Ah ! Il finit par magacer, le roi des Enfers a cotisé toute une éternité ! A la retraite tonton Pluton ! Proserpine, et si je lui flanquais une tripotée, men voudriez-vous? Proserpine Oh non, au contraire. Balandard Alors cest moi qui vais te coller à la marmite. Chaud devant ! voilà Pluton flambé! Descendons le en flamme ! Les démons Oui, oui, passez-nous-le, il y a assez longtemps quil nous embête. Cest un flagrant délit et un retour de flamme. Balandard Et moi
qui croyais les Enfers un pays tranquille, cest comme sur terre
Cest pas toujours les mêmes quauront lassiette
au beurre. Pluton à la chaudière ! (Il prend
Pluton qui résiste et lenvoie aux démons). A
la chaudière ! Pilez-le, flambez-le avec les égards dus
à une tête couronnée. |