Depuis
des générations, la mémoire de George Sand était
embaumée dans l’expression lénifiante et convenue
de « la bonne dame de Nohant », elle qui a été
si irrespectueuse des convenances. À l’occasion du bicentenaire
de sa naissance, il est temps de mettre fin à ces clichés.
George Sand a eu toutes les
audaces, publiques et privées : celle de s’habiller en
garçon et de fumer le cigare, celle de dénoncer l’aliénation
du mariage et d’affirmer les droits de l’amour passion,
celle de croire au génie du peuple et d’écrire
selon son cœur. Sa devise était « Liberté,
égalité, solidarité ». Elle s’est
battue contre l’obscurantisme des Églises et le mépris
des nantis. Elle a été obstinément fidèle
à ses amis et à l’idéal d’une République
apaisée, contre l’oppression des dictatures et la violence
sanglante des révolutions. Elle a prêté sa voix
aux humbles, aux malheureux, à tous ceux qui n’avaient
jamais eu la parole devant l’Histoire : un combat, assurément,
qui est loin d’être terminé.
Elle a cru à la souveraineté
de l’art, à la profondeur des traditions populaires,
à la mission sociale de la littérature, en inventant
une image moderne de l’écriture engagée. Elle
a adoré la nature et détesté le culte du profit,
en entrevoyant ce que la toute-puissance de l’économie
de marché allait faire à la planète. Elle fut
l’une des toutes premières à dénoncer l’esclavage
des femmes et à combattre pour leur indépendance. Qui
pourrait douter que ces luttes ne soient encore les nôtres ?
En croisant toutes ces audaces,
et par la force tranquille du travail, Sand a édifié
une oeuvre colossale dont il nous revient aujourd’hui de redécouvrir
l’actualité. Femme-siècle, elle a représenté
pour le monde entier une figure flamboyante de la France, résistante
et démocrate, avec une intensité et une évidence
qu’elle n’a partagées qu’avec Victor Hugo.
Voici donc George Sand, notre contemporaine.