Réponse de Sylvie Veys
Comme cette citation l’indique, George
Sand n’a jamais voyagé en Orient, si ce n’est par
la rêverie, l’imagination et à travers les représentations
et récits de ses amis (Delacroix, Flaubert, son fils Maurice…).
Il y avait une grande mode orientalisante dans les années 1830,
nourrie par les récits de voyages, les poésies de Hugo
(1829) et les types littéraires des mystérieuses Orientales.
George Sand n’échappait pas à cette mode : l’aménagement
de la mansarde bleue, les accessoires vestimentaires, les babouches…
et surtout le chibouque en témoignent. Musset dessina
d’ailleurs Sand fumant le chibouque (voir le dessin ci-dessus).
Ce goût orientalisant lui resta d’ailleurs toute sa vie
: nous avons le témoignage « désespéré
» de Nadar devant l’ameublement de l’appartement
qu’elle occupa rue des Feuillantines à Paris en 1865
- 1866.
« L’ameublement
en méchant reps algérien était plus que modeste
et comme principal ornement du tout petit salon, un tapissier de journée
avait appliqué aux murs quelques-uns de ces abominables dressoirs
en découpages arabes d’un goût atroce, peinturlurés
de bleu, de rouge et de jaune, plaqués de fausses dorures et
supportant deux ou trois poteries kabyles aussi lourdes et laides
que possible. » (cité par LUBIN Georges, Note
sur les domiciles parisiens, dans Tome XIX de la Correspondance,
p.912)
Le voyage en Italie, entrepris avec Alfred de
Musset en 1834, est décisif : George Sand y approche de l’Orient,
Venise étant considéré comme la porte magique
vers cet au-delà rêvé. Venise, ville frontière
entre l’eau, la terre, le ciel, mais aussi l’Orient et
l’Occident. Sand y découvre les traces d’une culture
qu’elle désire découvrir davantage. Les dômes
byzantins, les nombreux Turcs qui vivent dans la cité vénitienne,
tout lui donne envie d’en apprendre plus, tout l’intrigue.
Elle fait de nombreuses références à l’Orient
dans ses Lettres d’un voyageur, écrites dans
la cité des Doges, comme en témoignent ces extraits
:
« - Oui-da ! continua-t-il
sans m’écouter ; savez-vous que dans mon temps j’ai
été un célèbre chasseur de chamois ? Tenez,
voyez-vous cette brèche là-haut, et ce pic là-bas
? figurez-vous qu’un jour…
- Basta, basta ! docteur, vous me raconterez cela à Venise,
un soir d’été que nous fumerons quelque pipe gigantesque
sous les tentes de la Place Saint-Marc avec vos amis les Turcs. Ce
sont des gens trop graves pour interrompre un narrateur, quelque sublime
impertinence qu’il débite, et il n’y a pas de danger
qu’ils donnent le moindre signe d’impatience ou d’incrédulité
avant la fin de son récit, durât-il trois jours et trois
nuits. » (Première Lettre d’un voyageur,
dans Œuvres autobiographiques, Gallimard, Paris, 1971,
tome II, pp.653-654.)
« La lune montait dans le ciel, quand, après avoir
dîné longuement, et longuement causé dans un café,
nous arrivâmes à la Piazzetta. - Ce fils de chien dont
la mère était une vache ne se dérangera pas,
grommela Catullo, qui avait le vin misanthrope, ce soir-là.
- A qui s’adresse cette apostrophe généalogique
? dit le docteur. En se retournant, il vit un Turc qui avait ôté
ses babouches et une partie de son vêtement, et qui s’était
agenouillé sur la dernière marche du traguet, si près
de l’eau qu’il mouillait sa barbe et son turban à
chacune des nombreuses invocations qu’il adressait à
la lune. - Ah ! ah ! dit le docteur, ce monsieur a choisi un étrange
prie-Dieu ; l’heure l’aura surpris au moment où
il appelait une gondole ; il aura été forcé de
se jeter le visage contre terre en entendant sonner le coup de sa
prière. - Ce n’est pas cela, dit l’abbé
; il s’est mis là pour que personne ne pût passer
devant lui et ne vînt à traverser son oraison ; son culte
lui commande de recommencer autant de fois qu’il passe de gens
entre lui et la lune.
En parlant ainsi, il mit sa canne en travers des jambes de Catullo,
qui voulait poser brutalement le pied sur la rive et repousser le
Turc pour nous faire aborder. - Laisse-le, dit l’abbé
; celui-là aussi est un croyant. - Et comment voulez-vous faire,
dit le gondolier, si cet animal sans baptême ne se dérange
pas ?
En effet, le traguet étant bordé de deux petites rampes
de bois, nous ne pouvions aborder sans traverser quelque peu l’oraison
du musulman. - Eh bien ! dit l’abbé, nous attendrons
qu’il ait fini : assieds-toi, et ne dis mot. - Catullo alla
s’asseoir sur sa poupe en secouant la tête ; il était
facile de voir qu’il n’approuvait en rien les principes
de l’abbé. - Qu’importe, dit celui-ci en se tournant
vers nous, que la madone s’appelle Marie ou Phingari ? la vierge
mère de la Divinité, c’est toujours la même
pensée allégorique ; c’est la foi qui donne naissance
à tous les cultes et à toutes les vertus. - vous êtes
bien hérétique, ce soir, monsieur l’abbé,
dit Beppa ; pour moi je n’aime pas les Turcs, non parce qu’ils
adorent la lune, mais parce qu’ils tiennent les femmes dans
l’esclavage. - Sans compter qu’ils coupent la tête
à leurs esclaves, dit Catullo d’un air indigné.
- Mon oncle, dit le docteur, a été témoin d’un
fait que cette prière turque me rappelle. Un jour, il y a environ
cinquante ans, un musulman fut surpris ainsi par l’heure de
la prière, comme il se trouvait sur la rive des Esclavons.
Il s’arrêta au beau milieu des quais, et commença,
après avoir ôté ses babouches, les dévotions
d’usage. Une troupe de polissons qui voyaient apparemment ce
spectacle pour la première fois, se prit à rire, l’entourant
avec curiosité, et répétant ironiquement ses
génuflexions et le mouvement de ses lèvres. Le Turc
continua sa prière sans paraître s’apercevoir de
cette raillerie. Les polissons, encouragés, redoublèrent
de singeries, et peu à peu s’enhardirent jusqu’à
ramasser des cailloux et à les lui jeter au visage. Le croyant
resta impassible ; sa figure ne trahit pas la moindre altération,
et il n’omit pas une parole de son oraison. Mais, quand elle
fut finie, il se releva, prit par le cou le premier petit malheureux
qui lui tomba sous la main, et lui plongea son kandjar dans la gorge
avec la même tranquillité que si c’eût été
un poulet ; puis il se retira, sans dire une seule parole, laissant
le cadavre ensanglanté à la place où sa prière
avait été profanée. Le sénat délibéra
sur ce meurtre, et il fut décidé que le Turc avait exercé
une vengeance légitime. Il ne fut fait aucune poursuite contre
lui.
Ce récit, que Catullo écouta, la tête penchée
et l’oreille basse, parut lui inspirer un profond respect pour
l’idolâtre ; car, quand celui-ci eut fini de prier, non
seulement il attendit patiemment que celui-ci eût remis son
dolman, mais encore il lui présenta ses babouches. Le Turc
ne fit pas un geste de remerciement, ne parut pas s’apercevoir
de notre politesse, et alla rejoindre ses compagnons, qui fumaient
autour de la colonne de Saint-Théodore. - ceux-là sont
des muscadins, dit l’abbé lorsque nous passâmes
auprès d’eux. Ils n’ont pas fait leur prière.
Ce sont des négociants établis à Venise, et que
l’air de notre civilisation a corrompus. Ils boivent du vin,
renient le prophète, ne vont point à la mosquée,
et ne se déchaussent point pour saluer Phingari ; mais ils
n’en valent pas mieux, car ils ne croient à rien, et
ils ont perdu toute la poétique naïveté de leur
idolâtrie, sans ouvrir leur âme à la vérité
austère de l’Evangile. Cependant ils sont encore honnêtes
parce qu’ils sont turcs, et qu’un Turc ne peut pas être
fripon. » (Troisième Lettre d’un voyageur,
dans Œuvres autobiographiques, Gallimard, Paris, 1971,
tome II, pp.725-727.)
« Oui, j’ai été esclave, et l’esclavage,
je puis te le dire par expérience, avilit l’homme et
le dégrade. Il le jette dans la démence et dans le perversité
; il le rend méchant, menteur, vindicatif, amer, plus détestable
vingt fois que le tyran qui l’opprime ; c’est ce qui m’est
arrivé, et, dans la haine que j’avais conçue contre
moi-même, j’ai désiré la mort avec rage,
tous les jours de mon abjection. […] Ce n’est donc pas
un incurable et un infirme qui est là devant toi ; c’est
un prisonnier échappé et blessé qui peut guérir
et faire encore un bon soldat. Ne vois-tu pas que je n’ai rapporté
aucun vice de la terre d’Egypte, et que je suis encore sobre
et robuste pour traverser le grand désert ? » (Sixième
Lettre d’un voyageur, dans Œuvres autobiographiques,
Gallimard, Paris, 1971, tome II, p.752.)
Dans l’esprit de la romancière,
la notion d’esclavage reste indissociable de l’Orient.
Néanmoins, elle désire visiter ces pays lointains et,
probablement, se faire une idée par elle-même de cette
culture si différente. Entre avril et juin 1834, alors qu’elle
est à Venise avec Pietro Pagello (Musset étant rentré
en France), elle évoque à plusieurs reprises son envie
de partir pour Constantinople, ainsi qu’en témoignent
plusieurs lettres du Tome II de la Correspondance, éditée
par Georges Lubin. Il semble que seul le manque d’argent ait
empêché ce voyage.
« J’ai le projet
d’établir mon quartier général à
Venise, mais de courir le pays, seule et en liberté. Je commence
à me familiariser avec le dialecte. Quand j’aurai vu
cette province, j’irai à Constantinople, j’y passerai
un mois, et je serai à Nohant pour les vacances. De là,
j’irai faire un tour à Paris et je reviendrai à
Venise. » (Lettre du 6 avril 1834, à Jules Boucoiran,
tome II de la Correspondance, p.577.)
« Je suis à Venise en attendant que j’aie l’argent
et la liberté nécessaires pour aller à Constantinople.
Mais je voudrais auparavant remplir mes engagements avec Buloz. C’est
pourquoi je travaille du matin au soir. » (Lettre des 15
et 17 avril 1834, à Alfred de Musset, tome II de la Correspondance,
p.564.)
« Pour le moment je serais bien aise de toucher une petite
somme de 7 ou 800 francs, pour faire ce voyage de Constantinople,
ou au moins pour me sentir le moyen de le faire, ce qui serait pour
moi une pensée de liberté agréable au milieu
de tout ce qui peut m’advenir de bon ou de fâcheux. »
(Lettre du 29 avril 1834, à Alfred de Musset, tome II de la
Correspondance, p.574.)
Malheureusement, et alors qu’Alfred de
Musset essaye de la décourager de ce voyage qu’il juge
trop risqué, Sand se voit forcée d’y renoncer,
comme elle l’annonce :
« Il est trop tard
pour que j’aille à Constantinople. Les chaleurs sont
venues avant mon argent. J’irai dans une autre saison avec Pagello
qui fonde avec raison peut-être des espérances de fortune
sur ce voyage. » (Lettre du 24 mai 1834, à Alfred
de Musset, tome II de la Correspondance, p.597.)
« Mon ami, à présent que je suis revenue de
Constantinople, je te dirai que c’est un bien beau pays mais
que je n’y suis pas allée. Il fait trop chaud et je n’ai
pas assez d’argent pour cela. Si j’en avais j’irais
à Paris tout de suite et non ailleurs. Si tu entends dire que
je suis noyée dans l’Archipel ; sache donc bien qu’il
n’en est rien et que c’est une nouvelle littéraire,
rien de plus. » (Lettre du 1er juin 1834, tome II de la
Correspondance, p.606.)
Sand ne fit jamais ce grand voyage en Orient,
et un certain regret perce dans ses déclarations.
« Je ne puis, quelque
chagrin que j’éprouverai à vous perdre pour longtemps
peut-être, vous dissuader du voyage d’Egypte. Voyageur
c’est apprendre, savoir, c’est exister. Vous n’irez
pas en Orient et vous n’en reviendrez pas sans avoir acquis
beaucoup de connaissances qui vous feront très supérieur
à ce que vous êtes déjà. Les gens du monde
et les femmes voyagent sans fruit, il n’en sera pas ainsi de
vous. Vous observerez, vous verrez différentes races d’hommes,
différents modes d’organisation sociale. Vous ne négligerez
pas d’apprendre leur histoire si vous ne la savez déjà
très bien, et d’examiner leurs penchants et leurs habitudes.
» (Lettre du 12 avril 1835, à Adolphe Guéroult,
tome II de la Correspondance, pp.853-854.)
Lors de son « Hiver à Majorque
», George Sand fut une nouvelle fois confrontée, non
pas avec les traces réelles de l’Orient, mais avec le
souvenir laissé à dans l’île des Baléares.
L’influence orientale sur l’architecture ou les chants
la touche.
« Majorque est l’Eldorado
de la peinture. Tout y est pittoresque, depuis la cabane du paysan,
qui a conservé dans ses moindres constructions la tradition
de style arabe, jusqu’à l’enfant drapé dans
ses guenilles, et triomphant dans sa malpropreté grandiose,
comme dit Henri Heine à propos des femmes du marché
aux herbes de Vérone. Le caractère du paysage, plus
riche en végétation que celui de l’Afrique ne
l’est en général, a tout autant de largeur, de
calme et de simplicité. C’est la verte Helvétie
sous le ciel de la Calabre, avec la solennité et le silence
de l’Orient. » (SAND George, Un hiver à
Majorque, dans Œuvres autobiographiques, Gallimard,
Paris, 1971, tome II, p.1039.)
Elle eut cependant l’occasion de voyager
« par procuration », à travers les récits
de proches. Edmond Combes (1758-1848), que Sand fréquentait,
était parti en Orient en 1833 et avait publié plusieurs
récits de voyage que la romancière possédait
(Voyage en Abyssinie, Voyage en Egypte, en Nubie).
Sand lui écrivit probablement plusieurs fois entre 1838 et
1848 (lettres perdues selon Georges Lubin). Mais c’est surtout
à travers son fils qu’elle découvrit certains
aspects de l’Orient. Entre mai et septembre 1861, Maurice Sand
fait un grand voyage en bateau avec le Prince Jérôme
Napoléon. Ils iront jusqu’en Amérique, mais découvrent
également certaines cités orientales (Alger, Oran, Tanger).
Il ramène de ce périple un carnet de voyage, des notes
éparses, des dessins. De ces brouillons naîtra le récit
« Six mille lieues à toute vapeur », signé
Maurice Sand, mais à propos duquel Georges Lubin notait : «
Il va falloir ajouter Six mille lieues à toute vapeur à
la liste des œuvres de George Sand » (tome XVI de
la Correspondance). En effet, il semble que Sand fit bien
plus qu’aider son fils. A travers ses notes, ses dessins, en
réécrivant grandement les brouillons, elle parcourut
donc certaines villes d’Orient à travers les yeux de
Maurice. Il semble que ce travail commun lui ait redonné l’envie
de découvrir ces contrées à son tour. Manceau,
le compagnon de George Sand, note dans leur agenda à la date
du 3 février 1862 : «Madame pense aller en Algérie».
Sand est également en correspondance avec Benoît-Simon,
dit Fortuné Lapaine (1816-1867), préfet de Constantine,
comme en témoigne la lettre suivante :
« Vous me dîtes
des choses qui me frappent beaucoup, Monsieur, et qui me donnent autant
d’envie de vous connaître que de voir l’Afrique.
Vous comprenez ce que l’on doit aux vieilles races, vous sentez
leur grandeur, et vous vous êtes sérieusement posé
en face du grand problème. Ah oui, c’est le grand problème
que la France seule doit arriver à résoudre, car jusqu’ici
les autres nations ont presque toujours foulé, traqué,
exaspéré ou détruits les vaincus. J’ai
vu des Indiens, de beaux et fiers Indiens, à Paris, et j’avais
envie de pleurer en songeant à la manière dont la prétendue
civilisation américaine avait traité cette noble race.
[…] Oui, j’ai grande envie de voir l’Afrique et
surtout la Kabylie et les Kabyles. Mais comment faire ? Je ne suis
plus jeune, j’ai 57 ans. Je marche encore très bien,
mais je ne monte plus à cheval, et j’ai besoin de certains
soins à domicile. Le voyage à Constantine ne m’effraie
pas et je sais que c’est un séjour hardi et pittoresque
comme je les aime. Mais là, trouverai-je une habitation où
je pourrai m’isoler tout à fait à mes heures,
être un peu à la ville et un peu à la campagne,
circuler dans une carriole de louage, vivre enfin en hermine qui se
promène et retourne chaque soir manger, dormir et rêver
chez lui, sauf quelques excursions possibles à quelqu’un
qui ne chevauche plus ? Si vous étiez assez bon pour me dire
la bonne saison de l’année entre le chaud et le froid,
la dépense de quatre personnes par mois, (car nous sommes toujours
quatre), la possibilité d’avoir nourriture et serviteurs
de louage, ou d’aller manger tranquillement quelque part je
verrais si mon très mince budget et mes forces automnales me
permettent ce beau rêve. Je ne sais pas voir et sentir en courant,
en causant toujours, en échangeant des visites, recevant des
oisifs et des curieux, et un des attraits des voyages, c’est
pour moi la solitude en famille. J’ai besoin de m’imprégner
de la senteur d’un pays, de le voir du brin d’herbe au
nuage, non pour tout dire, mais pour l’avoir compris et pour
l’aimer. Il me faudrait donc deux ou trois mois de séjour
à Constantine pour en parler, et en causant quelques fois avec
vous, Monsieur, j’aurais la précieuse certitude de comprendre
ce que j’aurais vu. Quand vous en aurez le temps, dites-moi
donc si vous me croyez capable d’en voir assez avec cette manière
de digestion intellectuelle si modestement paisible. Et vous me direz
aussi ce que je dois lire d’avance sur l’histoire et les
circonstances du pays, afin que je n’y arrive pas comme tombant
de la lune. » (Lettre du 7 février 1862, à
Fortuné Lapaine, Tome XVI de la Correspondance, pp.771-772.)
Ce voyage ne se fera finalement pas. Il est
également intéressant de remarquer que Sand réclame
le respect pour les cultures et les hommes des pays colonisés.
L’exemple du génocide indien par les Américains
l’a très fortement impressionnée.
A propos de Sand et l’Algérie, je vous renvoie aux articles
suivants :
- DUPUY, A., L'Algérie à travers la vie et l'œuvre
de George Sand et le sujet algérien. II. Les interventions
d'affaires. III. Les interventions politiques, dans Journal des instituteurs
de l'Afrique du Nord, 12-26 novembre 1956.
- DUPUY, A., George Sand et l'Algérie, dans Revue
d'histoire moderne et contemporaine, avril-juin 1955.Si, à
la différence du Tyrol, l’Orient ne représente
pas un idéal pour Sand (en partie en raison de l’assimilation
avec l’esclavage des femmes et des faibles en général),
cela reste néanmoins une destination vers laquelle elle rêve,
qu’elle parcourt parfois en esprit.
« Peut-être es-tu
au sommet de l’Atlas… Ah ! ce mot seul efface toute la
beauté du paysage que j’ai sous les yeux. Les jolies
myosotis sur lesquels je suis assis, la haie d’aubépine
qui s’accroche à mes cheveux, la rivière qui murmure
à mes pieds sous son voile de vapeurs matinales, qu’est-ce
que tout cela auprès de l’Atlas ? Je regarde l’horizon,
cette patrie des âmes inquiètes, tant de fois interrogée
et si vainement possédée ! je ne vois plus que l’espace
infranchissable !… » (Neuvième Lettre
d’un voyageur, dans Œuvres autobiographiques,
Gallimard, Paris, 1971, tome II, p.875.)
« Songe bien que je ne suis pas un serviteur bien éprouvé,
moi ; j’entends déjà leurs lardons m’assaillir
pour la singulière figure que je fais en habit de soldat de
la république ; je t’en prie, mon cher maître,
laisse-moi m’en aller à Stamboul. J’ai affaire
par-là. Il faut que je passe par Genève, que j’achète
un âne pour traverser les montagnes avec mon bagage, et que
je remonte la Forêt-Noire pour chercher une plante que le Malgache
veut que je lui rapporte. J’ai à Corfou un ami islamite
qui m’a invité à prendre le sorbet dans son jardin.
Duteil m’a donné commission de lui acheter une pipe à
Alexandrie, et sa femme m’a prié de pousser jusqu’à
Alep afin de lui rapporter un châle et un éventail. Tu
vois que je ne puis tarder, que j’ai des occupations et des
devoirs indispensables. »(Sixième Lettre d’un
voyageur, dans Œuvres autobiographiques, Gallimard,
Paris, 1971, tome II, p.816.)
L’Uscoque (1838) est le roman
de George Sand dans lequel l’Orient est le plus présent.
Il s’agit d’un récit populaire, dans la veine des
romans à rebondissements de Sue ou Féval. A la fin du
XVIIe siècle, une Vénitien ruiné arme un bateau
pour aller s’attaquer aux Turcs. Après quelques succès
et un brillant mariage, il est néanmoins capturé par
les Turcs. Il est délivré par une jeune esclave, Naam,
amoureuse de lui. Elle se travestit en homme pour le suivre dans ses
péripéties et, sous le nom de l’Uscoque, le Vénitien
devient pirate. Après beaucoup de mésaventures, l’Uscoque
disparaîtra et Naam s’enfuit. Marielle Caors aborde ce
roman « orientalo-vénitien » dans son étude
George Sand de voyages en romans :
« Enfin, il convient de mentionner
le personnage de Naam, la jeune esclave turque déguisée
en garçon : si elle n’échappe pas aux clichés
orientalisants - beauté, fatalisme, amoralité - elle
apparaît comme une jeune femme ardente, entière, dévouée
jusqu’au sacrifice tant qu’elle n’est pas bafouée
et révoltée par la cruauté gratuite d’Orio
envers Giovanna (habituée à la polygamie, elle n’éprouve
pas de jalousie envers l’épouse de son amant). Elle
renie alors jusqu’à sa féminité pour
échapper à la cruauté masculine et meurt au
Yémen sous les traits d’un ermite vénéré
à l’égal d’un saint. » (CAORS
Marielle, George Sand de voyages en romans, Royer, s.l.,
1993, pp.49-50.)
J’espère que ces indications
pourront vous être utiles. Je me tiens bien entendu à votre
disposition pour tout renseignement complémentaire.
Bien à vous,
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