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La série télévisée sur George Sand « La Rebelle » : un véritable contre-Sand

Faut-il tout réécrire pour séduire le plus grand nombre ? C’est la question que pose la série La Rebelle : les Aventures de la jeune George Sand, que vient de diffuser France Télévisions. Face à l’extrême discrétion d’une mention en fin de générique stipulant que la proposition est « librement inspirée de la vie de George Sand », l’association des Amis de George Sand tient donc à avertir le public : la série réinvente totalement cette figure historique dont la vie et les engagements sont pourtant si riches. Sous couvert de modernité et de redécouverte, cette série présentée comme une fiction historique multiplie les contrevérités.

Alerter le public face à une réécriture à outrance

L’association des Amis de George Sand, composée à la fois de chercheurs universitaires et d’adhérents passionnés, en France comme à l’étranger, appelle à une vigilance critique face à cette fiction de grande diffusion. Après la disparition totale des descendants de l’écrivaine, sa mission associative est d’encourager toute initiative autour de George Sand (scientifique, artistique, pédagogique…) avec un souci d’honnêteté intellectuelle s’appuyant sur des sources probantes. Or, le principal problème de cette nouvelle série est qu’elle prend des libertés étonnantes avec la biographie de George Sand dont les années 1830 sont carrément réinventées. Ni la complexité de son parcours de vie, ni celle de son siècle ne sont perceptibles. Derrière cette fresque mélodramatique se déploie une série de contrevérités flagrantes qui trahissent plus qu’elles ne révèlent George Sand et sa montée en puissance de femme de lettres engagée socialement et politiquement.

Une fausse George Sand réinventée et fantasmée

Le scénario oublie la réalité historique pour faire de George Sand une rebelle dont le seul but est de se libérer de la tutelle d’un mari brutal et infidèle. Paroxysme de la série, le procès en séparation (divorcer est alors impossible) est transformé en une grande plaidoirie féministe alors qu’en réalité le féminisme de George Sand est bien plus complexe et progressiste. Sand plaide pour une égalité des hommes et des femmes nécessitant d’abord une réforme du Code civil avant l’obtention de droits politiques comme le droit de vote. Si elle a assumé ses choix de vie, parfois lourds de conséquence, la romancière, indépendante dans tous les domaines, n’a jamais exprimé pour autant vouloir devenir un exemple à suivre. La fiction donne une image hypersexualisée de George Sand, ce qui renforce de manière spectaculaire les stéréotypes déjà tenaces. Les figures historiques qui l’entourent (Marie Dorval, Alfred de Musset, Michel de Bourges…) subissent d’ailleurs la même déformation.

Une fiction en roue libre qui efface l’Histoire et la Littérature

Les innombrables publications de chercheurs en sciences humaines ne manquent pourtant pas, tout comme les archives qui sont facilement accessibles de nos jours. La fiction a certes une liberté artistique mais elle a aussi une responsabilité quand elle se revendique inspirée d’une figure historique majeure. La série La Rebelle peut devenir, pour de nombreux téléspectateurs, les premières images erronées qu’ils se feront de l’écrivaine. Comment prétendre faire découvrir cette femme du XIXe siècle et son émancipation tout en réinventant sa vie ? Contrairement à la mise en scène choisie, George Sand n’a par exemple jamais demandé de « permis de travestissement » à la Préfecture de Police de Paris pour porter le pantalon masculin, plus pratique et moins cher. L’exploration des archives démontre que c’est un droit que George Sand s’est elle-même octroyé, non par provocation mais par discrétion pour parcourir l’espace public parisien.

Quelques exemples de contrevérités

NON, George Sand n’a jamais exprimé avoir subi les violences sexuelles de la part de son époux Casimir Dudevant telles que la série les met en scène. Elle ne s’est pas enfuie de Nohant en pleine nuit : le couple s’est d’abord séparé d’un commun accord après négociation.

NON, son mari Casimir Dudevant n’a pas installé de maîtresse officielle à Nohant : la comtesse de Beaumont est un personnage inventé dans la série. Il n’a pas non plus payé d’espion pour suivre George Sand et l’enfermer dans un couvent pour l’empêcher d’assister à leur procès en séparation.

NON, la relation lesbienne entre George Sand et la grande comédienne Marie Dorval n’est pas avérée. Leur correspondance suggère une relation faite d’une amitié passionnée et d’une admiration artistique à recontextualiser.

NON, la séparation entre George Sand et Alfred de Musset ne doit pas être réduite aux seules tromperies du poète. Malade à Venise, Musset est soigné par le docteur Pagello (jamais mentionné) qui devient l’amant de Sand désespérée. Elle revient à Paris en compagnie du docteur.

NON, George Sand ne s’est pas défendue seule au début de son procès en séparation, une procédure beaucoup plus longue que dans la série. Le contenu des audiences, auxquelles sa mère n’a jamais assisté, est conservé dans la presse de l’époque.

NON, George Sand ne rencontre pas l’avocat Michel de Bourges par hasard mais par l’intermédiaire de ses amis berrichons. Totalement absentes de la série, les idées républicaines ont été le ciment de leur relation. Etc… Etc…

OUI, le public mérite un fiction historique sérieuse. Il ne peut y avoir de compréhension de George Sand sans une certaine fidélité aux faits de son époque, elle qui est la première femme à vivre de sa plume. Le caractère intemporel de ses écrits est une force mais favorise aussi de nombreuses instrumentalisations dont il faut prendre garde.

OUI, George Sand mérite d’être panthéonisée aux côtés des grands républicains et des grands auteurs de son temps qui l’ont considérée comme leur égale.

Les Amis de George Sand

www.amisdegeorgesand.info/

amisdegeorgesand1@orange.fr

Association déclarée (J.O. 16 – 17 Juin 1975),

placée sous le patronage de la Société des Gens de Lettres