Annarosa Poli, 1922-2016
Le 19 mars 2022 sera célébré le centenaire de la naissance d’Annarosa Poli, professeure de Langue et Littérature françaises à l’Université de Vérone. Le Département de Langues et Littératures étrangères et la Bibliothèque Arturo Frinzi lui rendent hommage par une exposition, qui ne peut qu’accueillir une partie seulement des très nombreux documents qui ont accompagné, comme le dit le sous-titre, Une vie pour la littérature.
Après sa maîtrise à l’Université de Bologne, Annarosa Poli se rend très jeune à Paris, accompagnée par ses parents, pour effectuer les recherches qui amèneront à sa thèse de doctorat, et à ce grand volume sur L’Italie dans la vie et l’oeuvre de George Sand, publié en France en 1960, ouvrage fondateur qui contribue à mieux faire connaître l’écrivaine, ainsi que son exégète, au niveau international. De ces recherches sortira également, en 1965, George Sand vue par les Italiens, tandis que les études d’Annarosa Poli s’ouvrent à la littérature comparée, à l’écriture du voyage, à la littérature française au sens le plus large. Certes, les oeuvres sur George Sand, qu’Annarosa Poli contribue à revaloriser d’un point de vue littéraire, culturel et esthétique, mais aussi comme figure-phare pour son existence vouée à la recherche de la liberté et à la contestation des idées reçues, constituent la partie la plus considérable de sa production. Et célèbre est restée la phrase du grand acteur Giorgio Albertazzi, souvent reprise dans les journaux, quand il lui écrivait : «Chère Annarosa, sans toi, George Sand n’existerait pas». Et vice-versa, pourrait-on dire, pour ce que la vie d’Annarosa, grande pionnière, a pu réverbérer de la fécondité éditoriale et du courage de sa devancière, jusqu’à l’actualité la plus récente.
D’un autre côté, l’attention d’Annarosa Poli pour l’Italie a toujours été considérable, jusqu’à la création, en 1992, du CRIER (Centre de Recherche sur l’Italie dans l’Europe Romantique), qui redonne visibilité et centralité à la culture italienne dans l’Europe du XIXe siècle. Devenu maintenant Centre de Recherche Interdépartemental sur l’Europe Romantique, grâce également à sa revue Romanticismi le CRIER élargit sa vision au niveau interdisciplinaire, au théâtre, à la peinture, à la musique ou à la danse. Ce qui était d’ailleurs typique de l’esthétique du temps, mais aussi des intérêts d’Annarosa, qui portait ses regards vers les arts ainsi que vers l’histoire, la politique ou l’engagement du romantisme, dans une vision éthique qui recoupait sa manière d’être. Son importante activité didactique et institutionnelle, dans le respect constant pour les collègues et les étudiants, était toujours orientée vers le développement de la Faculté et de l’Université auxquelles elle appartenait. Ce qui allait de pair avec son rôle de conceptrice et organisatrice infatigable de projets scientifiques, colloques et manifestations, impliquant le territoire et de nombreuses autres universités italiennes et étrangères, et coordonnant les énergies de grands spécialistes et jeunes chercheurs, avec un rare ouverture humaine et intellectuelle.
Une renommée internationale a toujours accompagné Annarosa Poli, comme lorsqu’en 2015 elle a participé à Vérone à un dernier colloque, sur George Sand et les femmes artistes et intellectuelles, avec d’éminent(e)s spécialistes provenant de quatre continents, qui l’ont entourée de leur amitié et admiration. Ce qui reste d’elle, au-delà des publications innombrables et prégnantes, ce sont les organismes qu’elle a créés, le CRIER, l’Association Universitaire Francophone de Vérone, et cette «Fondation Annarosa Poli – George Sand et le monde», à laquelle elle a pensé jusqu’à son dernier souffle, le 2 mars 2016. Sans jamais oublier la sereine alliance, dans sa personnalité, de rigueur scientifique et de générosité pour accueillir, avec empathie, ironie et curiosité, tant les personnes que les idées et les nouveautés.
Laura Colombo